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29 mai 2012

Florales...(suite)

Vers l’âge de douze ans, j’ai lu ce mot, »cunnilingus », ce qu’il évoquait me faisait rêver, mais pas le mot, je le trouvais trop compliqué, un peu barbare, pour décrire une caresse amoureuse aussi douce et tendre, alors j’ai cherché d’autres formules pour évoquer cette caresse, mais aucun ne convenait vraiment, alors finalement, j’ai renoncé, et je préfère dire, tout simplement, que « je donne ma langue au chat ».

 J’ai refermé le magazine, sur sa couverture est écrite la mention « vente réservée aux majeurs de plus de dix huit ans », ce qui est loin d’être mon cas, il vas rejoindre d’autres magazines du même type, sur une étagère, allongée sur mon lit, je peux m’adonner a une rêverie qui dépasse celle inspirée par cette lecture légère, je me promène a travers le dédale d’un palais surplombant la mer, je marche a travers les allées d’un jardin méditerranéen, le parfum capiteux des essences florales qui se libère sous le soleil couchant m’accompagne, au détour d’un massif, d’un bosquet, des corps nus s’enlacent, s’étirent, se prélassent, imine muet a la beauté des femmes, je ne porte qu’une tunique légère de soie, mes gestes sont légers et souples, car se sont ceux de la jeune fille que je suis, dans ma rêverie, je rejoins un groupe formé d’autres jeunes filles comme moi, nous nous amusons a faire des bouquets, et a en orner les statues, à l’heure du crépuscule, une lueur pourpre embrase l’horizon, une étrange mélopée se fait entendre, lointaine, plaintive, un ensemble d’instruments antiques, luths, harpe, tambourin, rythme nos gestes, nous jouons ensembles, rions ensembles, gestes fluides et graciles, mouvements épris de liberté, effleurements, puis caresses, énormément de tendresse dans ces jeux innocents, car ici, tout est innocence, ici, la lourdeur, la brutalité, sont bannies, ici, sur mon île imaginaire, ne demeurent que des femmes, des jeunes filles, des femmes qui vouent un culte a la femme, des femmes qui aiment les femmes.

Mais je  m’éloigne de ces rivages si enchanteurs, mystérieux et magiques, je rejoins le continent ou recommence mon interminable errance, mon corps me trahis, une fois encore, et me trahira encore longtemps, peut être jusqu’à l’heure de ma mort, je ne sais pas.

 Je marche dans les rues du seizième arrondissement de Paris, la rue Boileau, puis je prend la rue Chardon Lagache, que je remonte, vers le boulevard Exelmans, il fait chaud, une belle journée d’été, ma jupe flotte doucement autour de mes jambes, a chacun de mes pas, chaussée de ballerines, je fais de petits pas, lentement, je profite pleinement de ma promenade, je m’arrêterais peut être boire un café, a une terrasse, avant de descendre dans le métro.

Soudain, alors que le garçon s’approche de moi, son plateau à la main, me viens cette pensée, si je rencontrais quelqu’un, dans le métro, dans la rue… »Madame ? » je répond calmement a sa question, machinalement, « je vais prendre un café »…mais si je rencontrais, par hasard, l’une de mes ex compagnes ?

’est une éventualité avec laquelle je dois compter, c’est tout a fait le type même de journée, de moment ou l’on fait ce genre de rencontres, je le sais, je le sens…

Comment réagirait elle , et moi quelle serait ma réaction, elle me reconnaitra, ou pas, oui, certainement, mais pas tout de suite, si nos regards se croisent, et c’est toujours comme cela que cela se passe, elle vas aussitôt deviner dans mes yeux, que je la connais, donc elle vas chercher a me reconnaitre, a mètre un nom sur mon visage, et moi, a ce moment là, vais-je chercher a fuir ce regard, a jouer l’indifférence, je ne sais pas…non, je ne fuirais personne, depuis le début je n’ai fuis personne, non, j’affronterais son regard, mais alors, a ce moment précis ou soudain, elle vas accoler le nom d’un homme, le souvenir d’un homme, bien plus, le souvenir d’un amant, sur cette femme que je suis devenue, dans la rue, dans le métro, quelle serra sa réaction ?

Je les imagine, furtivement, mes anciennes compagnes, la surprise, l’émotion, le doute, dans leur regard, puis le malaise, la gêne, la peur, tout simplement, oui, la peur de l’inconnu, la peur de l’incompréhensible, de l’étrange, du monstrueux, de la monstruosité qu’est la transsexualité, que l’on n’avait pas devinée, pas vue, avec laquelle on est allée au bout de ses désirs de femme…

Je bois mon café, rapidement, il est tiède, je repose doucement la tasse, après tout, je ne suis pas un monstre, je ne l’ai jamais été, d’ailleurs ou alors c’était avant, dans l’autre vie, je n’ai pas a me justifier, je me répète ses mots, comme pour mieux m’en convaincre moi-même, si elles ont couché avec moi, c’est qu’elle en éprouvaient l’envie, a ce moment là, et c’est ça qui doit compter, le reste, a quoi bon l’expliquer, si j’avais pu m’en expliquer, je l’aurais fais il y a longtemps, c’était impossible.

Je paye mon café, je marche vers le métro, je me suis posé des questions durant près de quarante ans, seule, sans l’aide de personne, je ne comptais plus les moments ou je craignais que la raison m’abandonne, ou j’avais peur de sombrer dans la folie, ou j’avais peur de finir par désespoir par me foutre en l’air, j’ai avancé en deux ans plus que durant toutes ces années, alors si elles sont surprises, gênées, a elles de se poser des questions, a leur tour de réfléchir a leur homosexualité, voilà ce que je suis, ce que j’étais, une lesbienne, ou une bisexuelle rien d’autre, et si elles avaient aimé la lesbienne, et non pas le mec, je sais, c’est tordu, mais tout ça était tordu, depuis le commencement, c’est aujourd’hui que  ma vie a un sens.

A force de chercher a définir mes orientations, j’ai finis par dire aux médecins qui me questionnent, « je suis omni sexuelle, je fais avec qui me plais, comme ça me plais, sans distinction de sexe »,.

 Dehors, il fait gris, c’est le début de l’hiver, une fois mes devoirs de classe terminés, je me cherche une occupation, je pourrais me plonger dans la lecture de l’un des livres que j’ai déniché dans la bibliothèque du grenier, les livres que lisait ma mère, et avant elle, ma grand-mère, « les petites filles modèles », ou encore « les malheurs de Sophie », celui là, je l’ai relus plusieurs fois, c’est l’un de ceux que je préfère, en lisant, je recrée dans mon imagination chaque scène du livre, chaque aventure s’anime, les personnages ont un visage, une voix, des intonations, les lieux, les décors, les parfums, les bruits, tout devient plus vrais que nature, et jusqu’au costumes d’époque, somptueux, les toilettes élégantes, dentelles, rubans, longues chevelures minutieusement coiffée, moi-même, je me plais a m’imaginer parmi les personnages de ces aventures, en robe d’époque, chaussée de petites bottines, je me promène a travers demeures et jardins, ou encore en voiture a cheval…

Mais ce jour là, je n’ai pas envie de lire, je me suis initié avec ma grand-mère il y a peu au tricot, elle a été un peu surprise par ma demande, mais que peut faire de ces après midi un jeune garçon, parmi des femmes âgées, elle a passé en revue toute sorte d’occupations plus susceptibles de me distraire, mais j’ai insisté, alors, avec sa sœur, elles se sont prises au jeu, « rien que pour voir si j’y arriverai », elle n’y croyaient pas vraiment, mais j’y suis arrivée très vite, et avec une habileté qui leur a finalement fait admettre que j’étais très capable, et surtout, qualité des plus improbables chez un garçon, une patience…de femme.

J’alterne maintenant les couleurs, je me contente des reliquats de pelotes qui ont servis a d’autres ouvrages, ma grand tante m’explique très sérieusement comment créer des reliefs, des dessins, que je m’applique a reproduire, attention !...il ne faut pas trop serrer les mailles, sous peine de voir son ouvrage se gondoler,  et ce n’est pas du meilleur effet…

Durant une pause, j’observe ma grand-mère broder, au crochet, des bouquets de fleurs délicates massent sous ses doigts,  je veux aussi, un jour prochain, apprendre a broder, encore une fois, c’est la surprise, elle s’en étonne, ne sais plus trop quoi penser, je voudrais donc tout faire comme elles, je ne veux donc que des activités féminines, je réponds, que oui, et pourquoi pas ?….

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